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TRACTEURSPlus de 40 km/h autorisés sous TRACTEURSPlus de 40 km/h autorisés sous conditions

Les tracteurs homologués à 50 et 60 km/h pourront rouler à ces vitesses en France, mais uniquement à vide. Cette interprétation de la loi va relancer le débat sur le permis tracteur et pose des questions sur la sécurité. Parallèlement, le spectre d’un contrôle technique périodique et d’un carburant « blanc » resurgit.

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«Ce n’est peut-être pas votre question, oui mais c’est ma réponse. » Cette célèbre réplique de Georges Marchais à Alain Duhamel a surement raisonné dans les esprits des représentants des constructeurs (Axema) et des concessionnaires (Sedima) lorsqu’ils ont reçu la réponse du ministère de l’Intérieur à leur question sur les dispenses de permis de conduire. « Nous avons adressé une requête au ministère de l’Intérieur pour demander l’adaptation de la loi Macron sur l’exemption de permis pour les non-agriculteurs. Ce problème concerne les salariés de nos entreprises amenés à déplacer les machines qui ne sont plus limitées à 40 km/h par construction », rappelle Guillaume Bocquet, responsable du Pôle technique d’Axema. « Non seulement notre demande a été retoquée mais à notre grande surprise, le ministère s’est prononcé sur un autre sujet qui ne faisait pas partie de la requête : la circulation sur route à plus de 40 km/h. »

En effet, l’article R413-12-1 du code de la route, qui limite la vitesse de circulation à 25 ou 40 km/h selon l’attelage, ne concerne que les ensembles agricoles. Or, le ministère de l’Intérieur considère qu’il s’agit d’un ensemble composé d’un tracteur et d’un matériel attelé. Cette nouvelle interprétation exclut donc de fait les tracteurs circulant à vide de la limitation à 40 km/h. Concrètement, cela signifie qu’il est désormais autorisé de circuler à 50 ou 60 km/h avec un tracteur à vide, ce qui ne présente en soi qu’un intérêt limité. Seule condition : que le tracteur soit homologué pour ces vitesses.

Des tracteurs homologués à 50 ou 60 km/h

Cet assouplissement inédit est le fruit de la rencontre entre la nouvelle règle européenne d’homologation des tracteurs (Mother Regulation) et une interprétation aussi inédite qu’inattendue de la réglementation par le ministère de l’Intérieur. En France, la réglementation impose une vitesse limite de 40 km/h pour les tracteurs agricoles. Jusqu’en 2017, les tracteurs capables de rouler plus vite, par exemple ceux vendus en Allemagne, devaient obligatoirement être bridés pour être commercialisés en France, conformément à la réglementation nationale. Mais depuis le 1er janvier 2017 et l’entrée en vigueur de l’homologation européenne Mother Regulation, les tracteurs sont divisés en différentes catégories, de T1 à T5. Pour chacune d’elles, une sous-catégorie sépare les engins limités par construction à 40 km/h (Ta) de ceux roulant au-delà (Tb). Comme la réglementation nationale n’a plus cours, ces tracteurs homologués à 50 ou 60 km/h sont vendus en l’état et en toute légalité sur le marché français. Il appartenait à l’agriculteur ou à l’entrepreneur de travaux agricoles (ETA) de respecter le code de la route et de ne pas dépasser 40 km/h.

Peu d’enthousiasme

Les représentants des utilisateurs accueillent la nouvelle avec retenue et circonspection. La FNCuma notamment, par la voix de Stéphane Chapuis, son spécialiste technique, s’inquiète de la sécurité des chauffeurs et des éventuelles contreparties qui seront exigées. Pour les Cuma, le mot d’ordre est de rester sur une limite de 40 km/h. Car les agriculteurs manquent encore d’informations précises. Si leurs représentants ne se sont jamais mobilisés pour faire évoluer la vitesse maximale sur la route, c’est parce qu’ils craignent la mise en place d’un permis tracteur, comme c’est le cas chez de nombreux voisins européens. « Une préoccupation légitime, car rouler à 60 km/h en tracteur demande une bonne maîtrise et de la technique », estime Trame depuis la mise en circulation de ces tracteurs homologués à 50 km/h et plus.

Des contreparties attendues­

À mots couverts, plusieurs techniciens de terrain, des constructeurs et des concessionnaires plaident pour la mise en place d’un permis spécifique pour la conduite d’un tracteur. « Le permis poids lourd pour conduire un tracteur n’a pas de sens, précise ce chef produit d’un tractoriste spécialisé dans la grosse puissance. Mais un permis tracteur à l’allemande serait du bon sens pour évoluer à 60 km/h. On peut également se poser la question de laisser de tels engins aux mains de jeunes de 16 ans. » Les représentants des agriculteurs redoutent aussi la mise en place d’un contrôle technique annuel obligatoire, comme c’est le cas en Allemagne pour rouler à 60 km/h.

De leur côté, les transporteurs, toujours prompts à dénoncer une concurrence déloyale des agriculteurs et des entrepreneurs dès qu’il s’agit de rouler à plus de 40 km/h avec du carburant détaxé, pourraient sortir du bois et demander l’utilisation d’un gasoil « blanc » pour évoluer à grande vitesse. Les plus pessimistes des entrepreneurs évoquent même une limitation du temps de conduite, comme dans le secteur du poids lourd.

Augmentation des risques­

Mais ce que craint surtout la filière machinisme, c’est la flambée des accidents. Car l’exemple du passage de 25 à 40 km/h il y a vingt ans a montré une chose : les agriculteurs et entrepreneurs rouleront à 50 ou 60 km/h avec une remorque ou un outil lourd quelle que soit la réglementation, si le tracteur leur en offre la possibilité. D’ailleurs, on peut se demander si le jeu en vaut vraiment la chandelle. Un tracteur homologué à 50 ou 60 km/h perd plusieurs tonnes de PTAC par rapport au modèle équivalent réceptionné pour 40 km/h. La différence est d’ailleurs très marquée entre 50 et 60 km/h. La consommation de carburant est aussi plus élevée sur les modèles « rapides » puisque la vitesse maximale est atteinte à un régime moteur plus élevé. Tout ça pour finalement ne gagner que quelques minutes.

Corinne Le Gall

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